L’Application des peines est, semble-t-il, à la frontière entre roman et récit. Dans cet ouvrage publié aux Avrils, le narrateur est intervenant en milieu carcéral, où il donne des cours d’écriture. Il y rencontre un certain Edouard, incarcéré pour des motifs plutôt vagues de vols, de faux, peut-être d’escroquerie. La raison de son enfermement n’est pas le sujet. Le livre relate le quotidien d’un détenu, ce que l’on fait en prison — surtout ce que l’on ne fait pas. Il raconte la façon dont le temps s’arrête, passe si lentement au-dedans quand la vie, dehors, continue de glisser.
C’est un roman emprunt d’une grande sensibilité, poétique dans l’ensemble. On redonne au détenu toute son humanité, on vit avec lui la lenteur du temps, le brouhaha constant, la puanteur des lieux, mais aussi les amitiés qui se forment, les « occupations ». Peut-on survivre dans quinze mètres carrés, à trois, pendant plusieurs années ? Si la moitié du livre décrit le « pendant » de la prison, l’autre moitié raconte l’après, avec finesse. Les retrouvailles avec sa famille, qui a vécu sa vie sans lui. Les reproches. Tant de choses ont changé, jusqu’au look de son fils qu’il a quitté enfant et qui, désormais, se coiffe en brosse et marche curieusement.
Puis, l’auteur nous donne l’interprétation d’Edouard au sujet de son incarcération. Son avis sur la prison, sur ceux qui la peuplent. Une discussion bien ficelée, nuancée par deux avis qui s’affrontent.
Si le livre est un peu ralenti par quelques longueurs dans la seconde partie, son réalisme le rend captivant. Les décors sont vivants, on entend les dialogues et le bruit des clés dans les serrures. Le tout écrit dans une langue fluide, simple, agréable. Un roman touchant et nécessaire. — Louisiane Dor
Didier Castino
L’application des peines
Août 2025, Les Avrils