« Demain, je leur donnerai raison. Je me suiciderai. Ce sera mon cadeau de Noël. Mais avant d’en arriver là, je vais tout raconter. Sous le matelas, j’ai caché un cahier. Mon journal. Celui que vous lisez. Il faudra écrire vite parce qu’il ne me reste qu’un jour. »
Avec une écriture nerveuse, pressée, douloureuse, toute à l’urgence de témoigner d’une vérité glaçante quant au sort fait aux enfants atteints d’anorexie, et hospitalisés en pédiatrie, puis en psychiatrie, Alice Develey pour son premier roman inspiré de son histoire, raconte avec une écriture incisive et brutale, la prise en charge désastreuse de l’hôpital face à la maladie, où elle ne remet nullement en cause les soignants, car ce livre dénonce également le manque de moyen des hôpitaux. C’est le récit d’un enfermement dans un monde froid et effrayant, dont Alice alors âgée de quatorze ans ignore les codes, un monde qui casse les enfants comme elle, un monde dénué d’empathie et de maltraitance qu’elle soit physique ou morale, notamment lorsqu’elle évoque la fois où elle est attachée à un matelas pendant des heures. « Vous fixez un plafond et vous n’entendez rien. C’est le vide le plus vide du monde. », mais encore ce passage insoutenable où elle décrit le placement de la sonde qui servira à la nourrir. Dès lors son seul échappatoire demeure les murs blancs de sa chambre d’hôpital, ainsi que ce journal qu’elle s’empresse de noircir de ses mots d’une férocité absolues .
Bien plus qu’un témoignage, c’est une immersion glacial dans la vie d’une jeune fille prisonnière à quatorze ans d’une maladie qui peu à peu va la consumer, cette jeune fille c’est Alice, aujourd’hui journaliste et écrivaine française. Rangé dans un coin de sa tête depuis quinze ans, écrit à l’époque à toute vitesse, en un mois, et porté par l’urgence de dénoncer, l’autrice livre ici un ouvrage rare et précieux, d’une lucidité implacable, révoltant parfois, qui secoue, hante, marque et nous obsède, tant le contenu en est bouleversant.
Cet ouvrage c’est aussi pour elle l’occasion de s’adresser aux personnes souffrant d’anorexie, et de leur délivrer ce message d’espoir : « Il y a un jour, je ne sais pas quand ce jour arrivera, mais elles s’en sortiront. Et la vie ne sera peut-être pas tous les jours facile, elle ne sera pas merveilleuse, mais elle vaudra la peine d’être vécue. » — Aurore Pouthier
Alice Develey
Tombée du ciel
21 août 2025, Iconoclaste