Passagères de nuit est un grand roman d’émancipation et de résistance. À travers le portrait de deux femmes, nous pénétrons dans l’histoire profonde d’Haïti, depuis les bateaux négriers transportant les esclaves, jusqu’à la révolution pour l’indépendance. Ces deux femmes sont les lointaines grands-mères de Yanick Lahens, dont elle nous transmet ici la ténacité silencieuse pour survivre et se faire une place dans le chaos haïtien.
La première, Elizabeth Dubreuil, née à la Nouvelle Orléans en 1818, doit fuir après s’être violemment rebellée contre deux tentatives de viol. Elle est pour cela aidée de sa grand-mère, ancienne esclave arrivée d’Haïti au début du siècle dans le sillage de son maître, qui avait fini par l’affranchir. À travers la puissante relation entre les deux femmes, nous découvrons une histoire de combats et de résilience d’un effroyable réalisme.
De retour à Haïti, Elizabeth croisera, bien des années plus tard, la jeune Régina, née pauvre parmi les pauvres dans la profonde campagne haïtienne. Employée domestique à dix ans, maltraitée par sa maîtresse, elle s’enfuit également pour s’émanciper sous la protection de Man Jo qui la recueille comme sa propre enfant, lui offre une éducation et la perspective d’un métier. Régina fait alors la rencontre de sa vie, celle du général Léonard Corvaseau, héros de la libération.
Ponctué de scènes émouvantes, écrit dans une langue d’une qualité indéniable, ce roman transporte, enseigne et transmet. Le combat des femmes ici ne se fait pas avec les armes mais avec le courage et une force vitale qui va au-delà de l’instinct de survie. Si le récit est passionnant, il est également très visuel, parfois violent et totalement immersif, offrant un ancrage nécessaire dans la conscience francophone. Merci Yanick Lahens de nous partager un morceau de votre histoire. — Sandra Groschtern
YANICK LAHENS
PASSAGÈRES DE NUIT
28 AOÛT 2025, SABINE WESPIESER
