
Autopsie du lien maternel —
Avec Simone Émonet, Catherine Millet poursuit son exploration de dévoilement intime,
amorcé depuis La Vie sexuelle de Catherine M. et Jour de souffrance. Elle se penche ici sur la
figure maternelle, la dissèque en profondeur, sans complaisance ni illusion : une femme à la
fois coquette, ordinaire, fragile et tourmentée. L’autrice s’attache à raccommoder la mémoire,
à métamorphoser ce « temps sans retour de la vie » en une matière littéraire. Ce récit se
présente comme une enquête, une reconstitution minutieuse qui n’est pas sans rappeler le
style d’Annie Ernaux, où la mère devient un sujet d’étude, scruté au fil d’une simple boîte de
photographies descendue du grenier – cet « espace circulaire où je me tiens en ce moment
même, à tout jamais inassouvie, asservie, captive. Un lent carrousel où l’enfant réclame un
dernier tour. » Si le ton reste d’une grande retenue, c’est précisément ce regard sans fard qui
confère à ce récit sa force. Catherine Millet ne cherche ni à enjoliver, ni à dramatiser, mais à
comprendre et à ordonner le tumulte des sentiments qui jalonnent la relation mère-fille. Cette
interrogation s’intensifie d’autant plus que « pour une femme, la mort de la mère est une
seconde naissance. » L’amour que porte Catherine Millet à l’art, présent en filigrane, surgit
alors plus vivant, plus vibrant encore que la mère, et soulève chez l’écrivaine cette question
lancinante : « Pourquoi n’ai-je pas tenté de lui faire aimer ce qui m’apportait à moi tant de
joie, ce qui m’apaisait aussi ? » Simone Émonet est une œuvre d’honnêteté, traversée par une
question fondamentale : que fait-on des vivants quand ils se laissent mourir, et des morts qui
ne cessent de nous hanter ? — Sophie Di Malta
Catherine Millet
Simone Émonet
Septembre 2025, Flammarion