
Maud est une jeune trentenaire, dont la vie est, d’apparence, acceptable. Un enfant, un cercle social proche, un travail. Un soir, elle se retrouve impliquée dans un accident de voiture. Prise de panique, elle fuit et va se réfugier dans un bowling. Débute alors la rechute : Maud est addict au jeu, à tous les jeux. Dans les néons du jeu de quilles, elle s’incruste dans un groupe d’hommes venus faire quelques parties, qui finissent par l’éconduire en voyant son vrai visage : celui d’une mauvaise joueuse. Pas la mauvaise joueuse qui maugrée quand elle perd, plutôt celle qui est prête à tout pour gagner. Celle qui va perdre la notion du temps, le contrôle de ses mots. Le décor planté par Victor Jestin (début de soirée, déluge de pluie) contribue à l’effet dramatique de la scène d’ouverture. Tout se joue très vite et le dynamisme de l’écriture nous fait tourner les pages sans nous en rendre compte. Pour autant, il y a quelque chose de dérangeant dans le personnage de Maud. De l’ordre de l’indicible, voire de la honte. Après le bowling, il y aura d’autres occasions de jouer. Car Maud joue pour fuir. Pendant trois jours consécutifs, elle s’ancre dans le jeu pour se soustraire à la réalité, et ne pas faire face à ses responsabilités. Elle finit par se réfugier chez son père, celui qui l’a initiée au plaisir de jouer. Ce simple passe-temps qui a causé tant de dégâts dans sa vie, et qui l’a amenée à ne plus être elle-même. La lutte décrite pour ne pas succomber à la tentation évoque une véritable maladie, un démon pour Maud qui tente tant bien que mal de ne pas rechuter. Le troisième roman de Victor Jestin se lit vite, presque en apnée. C’est un petit bonbon acidulé qui dérange, pique un peu, mais que l’on apprécie pourtant. — Charlotte Rousselle
Victor Jestin
La Mauvaise joueuse
Août 2025, Flammarion