
Avec ce cinquième roman, Cloé Korman étudie la gestation, la mise au monde, sous tous ses aspects. Pour cela, elle dresse le portrait de deux femmes, réalistes et touchantes, dont les destins s’entremêlent.
Jill donne la vie. Sage femme à l’hôpital, elle accompagne deux à quatre patientes par garde pour les aider à accoucher. Cette professionnelle passionnée vit pour les premiers cris, les délivrances, les mères à qui l’on tient la main dans le dernier effort. Les difficultés du métier ne sont pas occultées ; l’autrice dévoile la dure réalité des accouchements d’enfants morts in utero, plus qu’elle ne s’attarde sur les conditions de travail en milieu hospitalier.
Marguerite, elle, étudie l’histoire de l’IVG. Avec un regard d’historienne et de féministe, elle s’intéresse au tournant de la loi Veil et se plonge dans les obstacles à l’avortement avant et lors de son institutionnalisation. Mais ce droit qui semble acquis appelle encore à la vigilance, comme elle le constatera en organisant un colloque sur le sujet.
Le regard des deux héroïnes (osons le mot, c’est bien de cela qu’il s’agit) sur la vie et la maternité s’alternent pour donner une vision intime, médicale, scientifique et politique de la naissance.
On rencontre aussi dans ce roman une mère malade, des enfants avec lesquels on se débrouille, des amants de passage, un exilé palestinien, la pionnière du planning familial en Guadeloupe et une secrétaire d’État aux droits de la femme maladroite, voire inopérante.
Ancré dans l’actualité de 2024 et plein de références aux événements des dernières années, cette fiction parfaitement documentée ouvre une fenêtre sur l’époque, dans un style très élégant.
Cloé Korman excelle dans l’art de dessiner par petites touches un tableau complexe de la maternité, et surtout de la condition des femmes, tantôt mères, tantôt filles, indépendantes et fragiles, accoucheuses et avorteuses, mais surtout fortes et libres. — Julia Marras
Cloé Korman
Mettre au monde
Août 2025, Flammarion