
Marie Richeux écrit sur la mémoire. Celle de son oncle, disparu en mer avant sa naissance, celles de son père et de toute sa famille touchée par le drame. Mais pas seulement. Parce qu’à propos du naufrage et de la mort de cet oncle Charlot, “On ne saura jamais rien”, comme elle l’a toujours entendu dire. Témoin d’une scène émouvante entre son père et son cousin, à la lumière d’une soirée d’août, Marie Richeux trouve la force et le calme pour poser les questions qui la taraudent. Elle est celle qui peut aller là où les autres n’ont pas été. Et elle nous place en témoin de cette enquête pour, si ce n’est comprendre, au moins raconter les circonstances de l’accident de l’Emmanuel Delmas, entré en collision avec un pétrolier aux larges des côtes italiennes en 1979.
Nous suivons la narratrice sur les traces des marins disparus, depuis la Bretagne jusqu’en Italie, où elle consulte archives, articles de presse, télégrammes diplomatiques ; elle interroge veuves de marins, historiens et fouille dans la mémoire de ses proches, retraçant finalement à travers ses recherches, les contours de l’histoire familiale : l’exploitation agricole, son père parti très jeune pour son internat, les femmes qui restent à terre et qui attendent les maris partis en mer, l’importance cruciale d’un tournoi de foot auquel son cousin a participé enfant.
Si la démarche est émouvante, rien n’est triste dans ce très bel ouvrage, qui nous donne à réfléchir sur nos propres schémas familiaux, et qui démontre que la littérature est un outil puissant de questionnement et de transmission. Un livre à lire en bord de mer les jours de brume, avec le chant des mouettes pour compagnon. — Sandra Groschtern
Marie Richeux
Officier Radio
Août 2025, Sabine Wespieser