“Jamais, jamais je ne deviendrai adulte”. La bombe est lâchée dès l’incipit, 100 pages à peine pour exprimer sa fureur de vivre, une adolescence incandescente : Écarlate a la saveur de l’incendie.

Dans ce court récit autobiographique écrit à 20 ans, Christine raconte ses 15 ans, sa relation avec sa mère (compliquée, mais elle lui dédie pourtant ce livre), son amitié avec Melly (fusionnelle – sans doute pour remplacer l’amour absent de sa mère), sa découverte de la mort (le terme apparaît 43 fois, note Blandine Rinkel dans la préface), ses premières amours (il s’appelle Manuel) et son refus d’une vie rangée et enterrée. Elle tente de fuir, par tous les moyens, que ce soit la rue ou les médicaments. 

Aux premières certitudes du début, teintées d’une foi mystique, succède la rencontre avec Melly, qui l’élit “amie de coeur” : c’est presque trop beau pour être vrai. Car Christine n’aura pas cette vie peu “lumineuse” qu’adopte Melly, faite de petites concessions et de renoncements qui vous racornissent l’âme. Déçue mais sans concessions, toujours, elle plonge dans l’étude jusqu’au cou. Et puis c’est l’été, dans les Pyrénées : elle continue à lire Le Pays du dauphin vert sous les étoiles, et à écrire de la poésie. On n’est pas sérieux quand on a vingt ans, aurait-on envie de lui dire, mais Christine prend la vie très au sérieux au contraire : elle est si courte, comme lui rappelle la vision de ce motard mort, qu’il faut tout vivre, tout tester, très vite. La plume brûle, les mots sont jetés sur la page avec la nonchalance du talent : “Je courrais après les feuilles envolées, je sautais en l’air comme une folle, tout le corps tendu vers l’espace nocturne, j’étais ivre d’étoiles quand une apostrophe sonore m’atteignit en pleine euphorie. — Tous ceux qui dorment sont des cons”.  

C’est l’histoire des baby-boomers qui ne comprennent pas leurs parents, mais ce serait trop réducteur de confiner l’histoire de Christine à un conflit générationnel. Publié en 1974, Écarlate connut le succès à sa publication avant de sombrer dans l’oubli. S’il est republié aujourd’hui par les Éditions du Sous-Sol, c’est parce qu’il a encore beaucoup à nous dire. Les braises ne demandent qu’à être rallumées. — Marguerite Catala

Christine Pawlowska
Écarlate
Août 2015, Éditions du Sous-Sol